Publié le

Faut-il imposer des critères d’expérience professionnelle dans les appels d’offres d’éclairage ?

Les métiers de l’éclairage, et la structuration de ses marchés intérieur et extérieur, ont profondément évolué ces dix dernières années. Si les causes et conséquences de ce phénomène ont déjà été évoquées (voir les articles Et si on arrêtait la théorie de l’éclairage ?, Quel avenir pour l’éclairage français ?Avenir des métiers de l’éclairage : un problème de formation ?), avec à la clé un véritable questionnement sur la valeur ajoutée de l’éclairage, des pistes de solution sont aujourd’hui envisagées. Parmi elles, l’idée d’imposer des critères d’expérience professionnelle dans les appels d’offres / consultations, en sus des certifications et qualifications déjà obligatoires (voir ci-dessous). Une piste publiée dans le rapport Revision of the EU Green Public Procurement Criteria for Road Lighting and traffic signals, dont les recommandations sont relativement proches du contenu de l’arrêté Français.

Une suggestion européenne

Quelle que soit la politique d’éclairage extérieur menée, l’éclairage n’en reste pas moins un métier technique issu d’une science expérimentale, qui exige la valeur ajoutée de professionnels. C’est la raison pour laquelle le rapport Revision of the EU Green Public Procurement Criteria for Road Lighting and traffic signals, qui se veut un guide pour les donneurs d’ordre européens, appelle à fixer des critères d’expérience professionnelle dans les appels d’offres et marchés.

Le document détaille les possibles critères pour deux types de marché lorsque le maître d’ouvrage ne dispose pas de la compétence : la prestation de conception, la prestation d’installation. Des critères à respecter après l’attribution du marché sont également détaillés. Le candidat / soumissionnaire doit ainsi démontrer dans sa candidature que le projet proposé sera vérifié et approuvé par une équipe présentant au minimum des caractéristiques de qualifications professionnelles et, nouveauté, d’expérience professionnelle en durée et en diversité.

Élaboration de projets d’éclairage

Selon le rapport, trois ans d’expérience dans la conception de projets d’éclairage, de réseaux électriques et de réseaux de distribution d’électricité seraient nécessaires, avec en sus :

–         Une implication dans trois projets différents d’éclairage extérieur au moins

–         Une compétence vérifiée (diplômes, certifications…) dans l’utilisation de logiciels de calculs reconnus

–         Une compétence vérifiée (diplôme, certification…) dans l’ingénierie de l’éclairage extérieur ou une appartenance à une association ou organe professionnels dans le domaine de l’éclairage

D’autre part, le candidat / soumissionnaire devra fournir la liste des personnes responsables du projet en cas de sélection, mentionnant leurs niveaux de diplômes et qualifications ainsi que le nombre d’années d’expérience dans l’éclairage. Même chose pour les sous-traitants, dont les références devront être fournies si le candidat y a recours.

A sa propre discrétion, l’autorité délégatrice peut déroger à la règle des trois ans d’expérience si la taille ou la durée des projets auxquels le candidat / soumissionnaire a participé a été suffisamment conséquente. Une dérogation également valable pour les critères applicables aux marchés d’installation et maintenance d’éclairage extérieur.

Pour les équipes de maintenance

Lorsque le maître d’ouvrage ne dispose pas de la compétence, la maintenance des installations devra être prévue, réalisée et approuvée par des professionnels ayant au minimum :

–         3 ans d’expérience dans l’installation de systèmes d’éclairage extérieur

–         Au moins trois projets d’installations d’éclairage extérieur à leur actif

–         Une qualification (diplômes, certifications) en génie électrique et en éclairage ou une appartenance à une association ou organisme professionnel dans le domaine d’activité

Le candidat devra également fournir une liste des personnes travaillant sur le projet (expérience, formations, diplômes, qualifications)… Là encore, des exceptions, identiques aux dérogations prévues pour la conception d‘éclairage extérieur, seront tolérées.

Enfin, un 3e critère a été ajouté : celui du maintien de l’équipe désignée pendant la durée du contrat.

Le maintien de l’équipe désignée dans la durée

Le candidat doit garantir que les équipes indiquées dans la procédure de sélection seront bien celles qui exécuteront le contrat une fois que le marché aura été remporté. Dans le cas où l’une, ou plusieurs, de ces personnes ne seraient plus disponibles, le prestataire devra en informer le maître d’ouvrage et lui proposer des personnes de mêmes compétences et expérience, en apportant les éléments de preuve décrits plus hauts.

Légalement, en France

En France, des certifications et qualifications obligatoires existent déjà pour les collectivités et entreprises d’installation et de maintenance en éclairage extérieur (AIPR…).

Le décret n°20166360 du 25 mars 2016 prévoyait également pour l’acheteur public d’utiliser « les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché public lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d’exécution du marché public » comme critère de jugement des offres. Les CV peuvent ainsi être utilisés pour les contrats de prestation intellectuelle ainsi que certaines prestations de travaux, sous réserve que les modalités de mise en œuvre du critère du CV soient clairement annoncées dans le règlement de la consultation.

L’article 57-V du décret du 25 mars 2016 indiquait également que l’acheteur public peut imposer aux soumissionnaires qu’ils précisent dans leur offre les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l’exécution du marché public en question, lorsque la qualité de l’offre est évaluée sur la base du savoir-faire, de l’efficacité, de l’expérience ou de la fiabilité de l’équipe dédiée à l’exécution du marché public.

Le Code de la commande publique, entré en vigueur au 1er avril 2019, précise quant à lui « l’organisation, les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d’exécution du marché ».

La qualité comme critère d’attribution

Des critères concernant les diplômes et certifications sont d’ores et déjà exigés dans certains appels d’offres en France. Pourtant, aujourd’hui, se dessine, en filigrane des textes réglementaires et des propositions des acteurs, une volonté d’aller plus loin : celle d’imposer des critères garantissant un certain niveau de qualité dans les prestations.

L’expérience professionnelle n’est pas toujours synonyme de qualité et il convient de s’interroger sur la pertinence des critères reposant sur le nombre d’années d’expérience ou le nombre de participation à des projets. Seul un socle de compétences de base (connaissance des besoins humains, technique…) et une formation constante tout au long de la vie professionnelle permettent de garantir une véritable qualité dans les projets. En tant que science expérimentale, l’éclairage nécessite également, via des événements professionnels et la formation, une mise à jour constante des connaissances et compétences.

Il convient également de s’interroger sur la notion de qualité revendiquée dans ces propositions. Comment mesure-t-on la qualité d’un projet d’éclairage ? A sa viabilité économique ? A son innovation technologique ? Au respect de l’environnement ? L’éclairage répond avant tout à des besoins humains, clé de voûte de tout projet. Puis c’est la notion de service rendu par l’éclairage, aux usagers comme aux maîtres d’ouvrage, qui doit primer.

En France, les formations du CFPE et les diplômes AFE correspondants sont demandés dans les appels d’offres. Les recommandations de l’AFE sont également utilisées comme références dans les textes officiels. Ces pré-requis sont un critère de qualité des projets proposés. Figure d’autorité sur les sujets sanitaires, réglementaires, techniques et sociaux, l’AFE et son réseau (points info, événements…) et l’appartenance à son réseau de diplômés garantissent un savoir-faire méthodologique et technique. C’est aussi ce « petit plus » apporté par tous les stagiaires CFPE / AFE : un projet de qualité.

Site Internet du CFPE : https://www.e-afe.fr/formations/

Merci à Roger Couillet, co-animateur du groupe AFE Collectivités et Philippe Gandon-Léger, président de la commission X90X « éclairage et bonnes pratiques » pour leurs commentaires et relecture.